Quelles étaient les blessures des personnes emmenées à l’hôpital depuis les rues, les commissariats de police et la prison d’Okrestina, et combien d’entre elles étaient ivres
11 septembre 2020, 19:08 | TUT.BY
Il y a quelques jours, TUT.BY a obtenu un document provenant de sources du secteur de la santé, intitulé « Secours la rue_ à partir du 09.08.2020 ». Il contient les données de plus de 1.100 personnes qui ont demandé une aide médicale, ainsi qu’une description de leurs blessures. TUT.BY a pu vérifier ces informations dans cinq cliniques de Minsk : leurs données coïncident presque complètement avec celles renseignées dans le document. Dans certaines cliniques, nous n’avons pas pu confirmer ou infirmer ces informations, nous ne relayons donc pas les diagnostics en provenance de ces endroits. Nous voulons une fois de plus attirer votre attention sur le fait que nous avons reçu ce document de sources non officielles.
Le document reçu est une liste des gens qui, après des « événements de rue » entre le 9 et le 23 août, ont demandé une aide médicale ou ont été pris en charge dans diverses institutions médicales de Minsk.
Ce document indique le lieu et l’heure de la demande d’aide médicale, le diagnostic des urgentistes, l’endroit où les personnes ont été envoyées pour être prises en charge et le diagnostic posé à l’hôpital.
Selon le document, environ 1.140 personnes ont eu besoin d’une assistance médicale à Minsk.
Dans la liste, en face du mot « inconnu », on peut lire « décédé avant l’arrivée ». Il s’agit probablement d’Alexandre Taraikovsky : l’heure et le lieu indiqués coïncident avec les circonstances de sa mort.
Quelles blessures ont été enregistrées chez ceux qui ont été secourus dans la nuit du 9 au 10 août
Comme indiqué dans le document, au moins une centaine de personnes ont été blessées dans la nuit du 9 au 10 août dans la capitale (dans toutes les cliniques de Minsk, y compris celles où nous n’avons pas pu confirmer toutes les données). Toute la soirée et toute la nuit, les secours les ont prises en charge et emmenées dans différents hôpitaux. Les patients qui présentaient les blessures les plus graves ont été transportés à l’hôpital militaire.
Plusieurs dizaines de personnes ont été admises à l’hôpital militaire cette nuit-là avec des éclats d’obus au visage, à la poitrine, à l’abdomen et aux membres supérieurs et inférieurs, des lacérations, des blessures par balle, des brûlures aux membres supérieurs et à l’abdomen.
Voici les diagnostics de certaines des victimes :
- blessure par balle pénétrante dans l’abdomen, perforation de l’intestin grêle,
- blessure ouverte au thorax, choc traumatique,
- blessure par mine explosive à la hanche, traumatisme crânien de gravité modérée, hématome des tissus mous de la tête,
- plaie par éclat d’obus au cou, à l’avant-bras droit,
- plaie pénétrante par éclat d’obus sur la face antérieure du cou,
- brûlures chimiques de la conjonctive de la cornée des deux yeux,
- plusieurs blessures par balle au tronc, au membre inférieur droit,
- lacération des deux pieds, blessure au visage.
Cette nuit-là également, selon ce document non-officiel, trois personnes ont été victimes d’une fracture de la base ou de la voûte du crâne. L’une d’elles présentait une fracture par éclat d’obus des os de la voûte et de la base du crâne, des os faciaux, un pneumocéphalie (accumulation d’air à l’intérieur du crâne), une contusion hémorragique du cerveau, un hématome de la région frontale droite. Selon nos informations, qui n’ont pas pu être vérifiées, elles ont été emmenées à l’hôpital n° 5.
Une autre personne s’est vu diagnostiquer une lésion cranio-cérébrale ouverte de gravité modérée, un hématome méningé aigu, une fracture de la voûte et de la base du crâne, un pneumocéphalie, une fracture fermée des côtes 2 à 7 du côté droit, ainsi qu’un état d’ébriété mis en doute. Il s’est retrouvé à l’hôpital n° 4.
Quelles blessures ont été infligées aux patients emmenés en ambulance depuis la prison d’Okrestina ?
Pour certaines des victimes, le lieu de l’appel passé au secours indiqué est la 1ère ruelle Okrestina, n° 36. C’est à cette adresse que se trouve le Centre d’isolement des délinquants de la Direction principale des affaires intérieures du Comité exécutif de la ville de Minsk. De là, selon le document, une cinquantaine de personnes ont été hospitalisées, des appels passés l’adresse indiquée ont été reçus par les secours du matin du 10 au 15 août (le 15 aoüt, une personne a été emmenée depuis la rue Okrestina). Après examen à l’hôpital, les patients ont reçu divers diagnostics, principalement de multiples hématomes des tissus mous, de la poitrine, des hématomes aux hanches et dans la région glutéale, des plaies contusionnées dans la région pariéto-temporale, plus rarement, des fractures des côtes, des bras et des doigts, un traumatisme crânien fermé.
Certains des détenus ont été admis à l’hôpital pour crise de convulsion, après avoir fait une crise d’épilepsie, avec des lésions oculaires, pour crise hypertensive, pour fracture fermée de la rotule droite avec déplacement de fragments.
Deux détenus du Centre, hospitalisés par la suite, se sont avérés avoir de l’alcool dans le sang. L’une d’elle avait une alcoolémie de 0,7 pour mille ; l’autre, de 3,3 pour mille. Pour trois autres personnes, l’état d’ébriété est remis en question.
Si vous étudiez attentivement le document, vous remarquerez que dans certains cas (environ cinq), différents commissariats de police de Minsk sont indiqués comme lieu d’appel.
Par exemple, le 10 août, le document indique que deux personnes ont été emmenées à l’hôpital en provenance du commissariat de l’arrondissement Leninski : l’une avec des coupures aux deux cuisses, l’autre à la suite d’une blessure par électrocution. Après avoir visité l’hôpital, elles sont rentrées chez elles.
Dans la soirée du 12 août, une personne souffrant d’un traumatisme crânien fermé, d’une commotion cérébrale, d’une contusion des tissus mous de la tête et de la région lombaire, de multiples hématomes des membres inférieurs, a été envoyée à l’hôpital depuis le service de police de l’arrondissement Pervomaïski.
Au petit matin du 13 août, un homme avec une blessure fermée à la tête, une commotion cérébrale, une hématome des tissus mous de la région pariétale à droite et un nez cassé a été emmené depuis le commissariat de police de l’arrondissement Leninski.
Dans la nuit du 13 août, une personne a été hospitalisée en provenance du commissariat de l’arrondissement Partizanski après une crise d’épilepsie, avec une blessure fermée à la tête et une fracture de la paroi supérieure du sinus maxillaire.
Que s’est-il passé quand les détenus d’Okrestina ont commencé à être libérés
Selon le document, un grand nombre d’appels a été enregistré à l’hôpital n° 6 les 14 et 15 août, soit juste après que les détenus ont commencé à être libérés du centre d’isolement de la rue Okrestina dans la nuit du 13 au 14 août.
Comme indiqué dans les listes, les victimes s’y sont rendues seules et y ont reçu des soins ambulatoires. En deux jours, une soixantaine de personnes se sont tournées vers la clinique, d’après le document.
Le plus souvent, les médecins de l’hôpital ont recensé des hématomes à la poitrine, des hématomes aux cuisses et dans la région fessière, des écorchures dans les régions temporale, aux poignets et aux genoux, des hématomes autour des yeux, des hématomes aux articulations, un traumatisme cranio-cérébral fermé et des fractures en voie de guérison.
Patients du 11ème hôpital : fractures de la mâchoire supérieure et inférieure, des os zygomatique
Selon le document, du 11 au 21 août, au moins dix personnes se sont rendues au 11ème hôpital clinique de la ville ou ont été hospitalisées dans le service de chirurgie maxillo-faciale, ainsi que dans le service ORL.
Voici quelques-uns des diagnostics qui ont été posés :
- fracture de la mâchoire supérieure et plaie contusionnée du visage,
- fracture traumatique ouverte de l’os zygomatique,
- fracture traumatique fermée de l’arc zygomatique à droite avec déplacement de fragments, neuropathie traumatique de la 2e branche du triple nerf à droite, oedème péri-orbitaire de l’œil droit,
- fracture traumatique ouverte de la mâchoire inférieure dans la région frontale sans déplacement de fragments,
- fracture traumatique ouverte du complexe zygomatico-orbitaire à droite avec déplacement de fragments osseux,
- plaie contusionnée et lacérée du sourcil gauche, hématome aux paupières supérieures et inférieures de l’œil gauche, hématome de la région sourcilière gauche,
- perforation traumatique de la membrane tympanique à droite, écorchures de l’articulation du genou droit, plaie incisée de la région poplitée droite.
Quoi d’autre?
Chez l’un de ceux qui ont appelé les secours, les médecins ont recensé une plaie scalpée de la cuisse droite, une abrasion et une contusion des tissus mous du pénis, de multiples abrasions des membres inférieurs et des zones de l’aine.
Chez l’un des patients ayant bénéficié de soins d’urgence, il serait question de « lésions de la muqueuse rectale ».
De l’alcool a été détecté dans le sang de 29 personnes. Chez 31 autres personnes, les urgentistes ou les médecins de l’hôpital ont noté des signes d’ébriété. Rappelons qu’au total, dans la liste de ceux qui ont demandé des soins médicaux, 1.140 personnes sont répertoriées.
Dans les listes mises à la disposition de TUT.BY, on retrouve un employé blessé du ministère de l’Intérieur. On lui a préalablement diagnostiqué une luxation au niveau du poignet et de la main. Il a reçu une assistance à l’hôpital du ministère de l’Intérieur. Rappelons que le 31 août, le ministre de l’Intérieur Yuri Karaev avait déclaré que le ministère avait connaissance d’environ 131 employés blessés lors des manifestations d’août, dont 28 se trouvaient encore à l’hôpital du ministère de l’Intérieur à ce moment-là.
Le 9 septembre, TUT.BY a demandé au service de presse du ministère de la Santé de commenter les faits, mais au moment de la publication le 11 septembre, aucune réponse ne nous est parvenue.
Le 11 août, rappelons-le, le ministère de la Santé a rapporté qu’un peu plus de 200 personnes avaient été blessées lors des manifestations des 9 et 10 août. Les hôpitaux soignaient des personnes présentant des hématomes aux tissus mous, des blessures aux extrémités.
« Plusieurs personnes ont été hospitalisées pour des blessures cranio-cérébrales, ainsi que des blessures à la poitrine et à l’abdomen. Il s’agissait principalement de blessures légères. Plusieurs patients ont nécessité une intervention chirurgicale. Leur état est stabilisé. Malheureusement, une personne est décédée. Le décès est survenu avant d’être examiné par les médecins urgentistes. »
Le 14 août, la chaîne Telegram du ministère a communiqué que la plupart des citoyens blessés lors des manifestations avaient reçu des soins ambulatoires.
« 150 personnes sont hospitalisées dans les hôpitaux du Bélarus. Ce sont les données du ministère de Santé. »
Comment avons-nous vérifié l’authenticité du document
Tout d’abord, nous avons trouvé dans les listes les noms de famille de ceux que l’on connaissait personnellement, à propos desquels on avait déjà écrit et qui nous avaient fourni leurs certificats médicaux. Ces données correspondaient parfaitement.
Après cela, nous avons vérifié le document auprès de cinq cliniques.
À l’hôpital n° 11, on nous a dit que la liste correspondait parfaitement, sauf pour deux personnes.
L’authenticité des données a également été confirmée par l’hôpital n° 6 et l’hôpital n° 4, bien qu’ils aient remarqué quelques divergences mineures dans les diagnostics, ainsi que l’absence sur la liste d’une personne gravement blessée pendant les premiers jours des manifestations d’août.
Les secours ont également confirmé l’authenticité des données. Cela dit, certains noms étaient mal orthographiés et le diagnostic final de certaines personnes s’est révélé plus grave que celui indiqué. En outre, plusieurs personnes figurant sur la liste ont indiqué avoir souffert lors des manifestations, mais étaient en fait simplement en état d’ébriété. Le reste des données est identique.
Nous avons également comparé les blessures pour lesquelles les victimes ont été admises à l’hôpital militaire. Ces informations se sont également révélées correctes.
Selon le document, les victimes ont également reçu des soins médicaux dans les 1er, 2ème, 3ème, 5ème et 10ème hôpitaux, au Centre de traumatologie et d’orthopédie, à l’hôpital régional de Minsk et au Centre de chirurgie, de transplantation et d’hématologie de Minsk : nous disposons des noms d’un certain nombre de patients et d’informations sur leurs blessures, mais nous n’avons pas pu vérifier ces données à 100%. Nous avons donc essayé de ne pas les prendre en compte dans cet article s’il n’y avait pas d’autres sources confirmant leur authenticité (par exemple, les histoires de nos héros dont les données coïncidaient avec le document).