15 août 2020, finance.tut.by
Un rassemblement de soutien à Alexandre Loukachenko est prévu dimanche devant le bâtiment du gouvernement à Minsk. C’est ce que rapportent les lecteurs de différentes régions, contraints de se rendre à la capitale. Certains d’entre eux arrivent à refuser pour une raison ou une autre, tandis que d’autres ne peuvent se le permettre, car ils sont menacés de licenciement et d’expulsion de leur logement. Les gens ont peur des provocations et certains d’entre eux craignent qu’elles ne puissent être organisées par les autorités elles-mêmes. Précisons que personne n’a le droit de forcer des travailleurs à participer aux rassemblements lors d’un jour de congé légal, ce qui signifie que ces propositions peuvent être déclinées. En outre, même si une personne vient au rassemblement, elle n’est pas obligée de soutenir Alexandre Loukachenko, elle peut exprimer sa sympathie pour tout autre citoyen de notre pays.
Des messages en provenance de personnes contraintes de se rendre au rassemblement en faveur d’Alexandre Loukachenko nous sont parvenus de la part d’employés de « Belshina », d’ »Integral », de l’usine de production de viande de Mogilev « Slavianka », de « Bobruiskagromach », de la cimenterie biélorusse, de « Kommunalnik » à Prouzhany, de « Krichevtsementnochifera », de l’élevage de volaille Dzerzhinsky, du canal d’eau Slonimski, de « Polykovichi » S.A.(entreprise agricole près de Mogilev), de « Mogilevenergo », de l’usine de biotechnologies de Bobruisk, de « Vitebskoblgaz », de l’usine de porcelaine Dobruisk, et des Chemins de Fer de Biélorussie (BelZHD). Les fonctionnaires et les militaires sont invités à se rendre en civil au rassemblement. Des appels similaires ont également été lancés aux travailleurs agricoles, aux enseignants, aux éducateurs, aux employés des médias d’État et à bien d’autres.
“Chers directeurs, Varlevna et moi ne pouvons pas ne pas vous en informer: un rassemblement contre le chaos qui gagne du terrain dans notre Bélarus se tiendra demain sur la place de l’Indépendance. Ceux qui veulent changer notre vie et nos consciences vous appellent vous et vos collaborateurs à sortir dans la rue et à former des chaînes de solidarité. Aujourd’hui, nous avons peur de sortir de chez nous et d’aller travailler, mais nous aussi nous sommes nombreux, plus nombreux que ceux qui cherchent nous faire peur. Si vous avez l’envie et la possibilité, rejoignez-nous demain à 12.00 pour la marche et le rassemblement à 13.00. Il n’y a pas d’obligation ou de quotas, mais je vous prie bien vouloir faire passer le message aux enseignants et collaborateurs des écoles. Nous serons protégés et il y aura des piquets de sécurité. Nous ne forçons personne, c’est un appel au rassemblement. A votre convenance”
Nombreux sont ceux qui disent qu’ils se rendent à ce rassemblement parce qu’ils sont menacés de licenciement. Ces informations sur l’obligation de venir à Minsk proviennent de différentes régions, oblast, villes et villages. Les gens expriment leur mécontentement non seulement du fait qu’ils soient obligés d’assister au rassemblement et menacés de licenciement et de soucis au travail, mais aussi du fait qu’ils doivent partir tôt pour être dans la capitale à une heure précise.
Selon nos informations, les collaborateurs du cabinet gouvernemental, du ministère du travail, du ministère des finances, de l’économie, de la santé, de l’agriculture, du ministère de la gestion de crise, du Comité d’État des douanes, ont également été appelés à participer au rassemblement. Certains services menacent de licencier leurs employés en cas de refus. Par exemple, on rapporte que les employés du ministère des finances doivent se réunir dans le bâtiment de l’agence à 12 heures et à 14 heures pour participer à un rassemblement près de monument “Stella”.
“Chers collègues, je viens de recevoir ceci de la part de l’administration locale: vous devez vous rendre à l’université pédagogique demain à 12.00, un rassemblement sera organisé, cela ne prendra que 40 minutes, 3 personnes représentant notre centre doivent être présentes. Dites-nous qui sera là, nous vous remercions de votre compréhension”.
Certains de ceux qui ont été appelés à participer au rassemblement dans la capitale se sont vu promettre un dédommagement financier. Plusieurs employés de “Belshina” ont déclaré qu’une récompense de 100 roubles ainsi que la comptabilisation d’une pause de travail pour le déplacement leur avait été promise. Il est également rapporté que les employés de cette entreprise se sont vu proposer de se rendre au centre commercial « Caroussel » en soutien à Alexandre Loukachenko à Bobruïsk, mais il n’est pas précisé quel jour.
Des membres du personnel de l’entreprise “Integral » expliquent qu’on leur offre un jour de congé en échange de leur participation au rassemblement. Le texte qui est envoyé par la direction est le suivant :
« Bonsoir. Demain, près du comité exécutif du quartier de Kastritchnitski (apparemment, près de l’administration du quartier de Kastrychnitski de Minsk – NDLR), un rassemblement de tous les membres du personnel de l’entreprise “Integral” qui souhaitent y participer, est prévu. Nous nous déplacerons à pied jusqu’à la Place de l’Indépendance. Tous les collaborateurs d’ »Integral » y participeront. Nous avons besoin de 5 représentants, que tous ceux qui souhaitent participer se signalent. Des jours de congés vous seront offerts en compensation ».
Le personnel médical de Gomel est rappelé de congé pour prendre part au rassemblement de Minsk.
Un des lecteurs nous a fait parvenir une photo montrant ce qui semble être une liste de participants prévus en provenance de la région de Vitebsk, soit plus de 2700 personnes.
Le rassemblement se tiendra à 12h00 près du bâtiment du gouvernement sur la Place de l’Indépendance. On rapporte également que certaines personnes ont été invitées à se présenter au monument “Stella”, Place de la Victoire, ou à la Maison des Officiers (officiers de l’Académie militaire), au Palais des Syndicats (enseignants de l’Université d’Etat de Médecine), au Gorodskoï Val, à l’Eglise Rouge (collaborateurs de l’Académie des Sciences), à l’Institut de la Culture, ainsi qu’à Kamennaïa Gorka. Les participants convoqués aux points de rencontre énumérés ci-dessus et non sur la place de l’Indépendance parlent d’une marche prévue en direction du bâtiment du gouvernement.
Il a également été signalé que les employés de certaines entreprises sont invités à se rendre sur la Place de l’Indépendance avant 14 heures.
L’un de nos lecteurs nous communique que le point de rencontre se situe au Palais de l’indépendance à 11h00.
« Je serai vêtu en blanc. Vive le Bélarus ! »
Nous avons reçu des centaines de messages faisant état d’une contrainte à participer au rassemblement. Nous en publions quelques-uns.
« La direction a appelé et nous a ordonné de nous rendre à Minsk demain pour prendre part à une manifestation sur la place. Nous ne voulons pas y aller, mais en cas de refus, nous serons licenciés », a déclaré l’employé de « Kommpunalnik » à Kalinkovitchi.
« J’aimerais vous parler du fait d’avoir été obligé de participer au rassemblement pro-gouvernemental demain à 12 heures. L’une de mes proches de Hotimsk est menacée de licenciement et est forcée d’assister à l’événement. Elle travaille dans une ferme collective en tant qu’économiste. A titre d’information, Hotimsk se trouve à 450 km de Minsk », a écrit le lecteur.
« On nous a également forcé à nous rendre au rassemblement de demain. Je n’ai aucune envie d’y aller. Mais je ne veux pas perdre un travail que j’ai déjà eu tant de mal à trouver. Je suis contre le régime actuel, et tout ce qui se passe est pénible mais je ne sais pas quoi faire », a écrit une lectrice.
« Les travailleurs de l’usine de production de viande de Pinsk sont obligés de se rendre à Minsk pour un rassemblement de soutien à Loukachenko. Demain, 6 bus quitteront Pinsk à 6 heures du matin. Ce sont des employés du comité exécutif de la ville, du ministère de l’intérieur, en tenue civile, des enseignants (surtout ceux qui ont fait partie de commissions électorales, à qui l’on explique qu’un changement de pouvoir pourrait leur valoir un séjour derrière les barreaux) », a déclaré un autre lecteur.
« Les soldats sont « invités » à participer à la marche de soutien à Loukachenko. Les noms de ceux qui refusent sont consignés dans des listes », écrit un militaire.
“Bonjour, nous avons besoin de 10 personnes pour demain vers 11.30, envoyez-moi vos numéros de téléphone et vos noms. C’est une manifestation afin de soutenir le président en exercice. Réponse sarcastique de l’un des ouvriers de l’usine “Minski Podchipnik” : Pourquoi seulement 10 personnes? Indiquez le lieu et l’heure, il y en aura 80,1.”
« A Osipovitchi et dans le districte d’Osipovitchi, on oblige les enseignants à se rendre demain à un rassemblement de soutien à un certain citoyen Loukachenko. Ils donnent l’ordre aux directeurs des écoles de s’y rendre ou d’envoyer un représentant », écrit un lecteur.
“Je travaille au sein d’un établissement subordonnée à l’administration présidentielle. Nous avons été appelés à prendre part au rassemblement de demain. Il n’y a pas eu de menaces directes de licenciement. Mais je n’ai pas peur. J’ai dit que j’étais à Minsk mais que je n’irais pas à ce rassemblement. Je sais que plusieurs collègues ont refusé soit directement, soit sous prétexte de ne pas se trouver à Minsk », déclare un résident de Minsk.
« Aujourd’hui, le comité exécutif du districte de Krouglianski a été contraint de rassembler un bus de personnes provenant de toutes les entreprises et fermes d’état pour se rendre à Minsk. Personne n’en a indiqué la raison », écrit un lecteur.
« Demain, le Comité exécutif du districte de Poukhovitchi se rendra au rassemblement. De plus, les présidents des Comités exécutifs des villages ont été convoqués par téléphone. Il n’y a pas d’ordre officiel, pas de documents, tout se fait par téléphone. Le départ est prévu à 10h30 et les bus s’arrêteront pour embarquer les participants le long de la route vers Minsk. Les employés des conseils de village sont presque tous des femmes âgées, qui ont peur de perdre leur emploi avant de partir à la retraite si elles refusent de se rendre au rassemblement », déclare ce lecteur.
« Dans le district de Klimovitchi on a ordonné le rassemblement de tous les membres des commissions électorales: enseignants, travailleurs des entreprises locales, des fermes d’État, etc. L’administration a commencé à appeler les personnes vers 18 ou 19 heures en expliquant: « Demain matin, tous les membres des commissions électorales doivent se rendre à Minsk pour montrer que nous sommes vraiment 80%, le bus part à 7h15 du parc central, la participation est obligatoire ». Beaucoup de gens ont refusé d’y aller, beaucoup ont pris peur et se demandent comment “ils pourraient regarder dans les yeux les personnes qui seront sur place après tout ce qu’il s’est passé », écrit un autre lecteur.
‘The boss called and said that they received a call from the district « Le directeur a appelé et a dit qu’il avait reçu un appel du Comité exécutif du district et qu’il lui a été communiqué que deux personnes (le directeur et le représentant syndical) de chaque organisation de la ville devaient se rendre à Minsk pour rencontrer le président. Personne n’a fait mention d’un rassemblement pro-gouvernemental. Ils ont promis d’organiser les repas. Je ne veux pas laisser tomber mon chef (c’est un homme bien et qui est lui aussi contre Alexandre Loukachenko). Je serai vêtu de blanc. Vive le Bélarus ! Nous vivons à 350 km de Minsk ».
Les lecteurs rapportent que de nombreuses personnes refusent d’assister au rassemblement.
Certains lecteurs, obligés de venir au rassemblement, écrivent qu’ils ont l’intention de se munir du drapeau blanc-rouge-blanc. Et un étudiant de l’Académie militaire a écrit qu’il avait l’intention de lancer la vague en répétant le slogan “Va-t’en”. D’après nos informations, les représentants de Klitchev ont préparé des banderoles.
Est-il possible de refuser de participer au rassemblement ? Est-il possible de venir au rassemblement et de soutenir l’opposition ?
Note de FINANCE.TUT.BY : Personne n’a le droit de forcer des travailleurs à participer aux rassemblements lors d’un jour de congé légal, ce qui signifie que ces propositions peuvent être déclinées. Si un travailleur est menacé de licenciement pour avoir refusé de participer, il s’agit d’une violation du droit du travail. Vous pouvez informer notre rédaction de ces faits et porter plainte auprès du ministère du Travail. Cependant, selon nos informations, les fonctionnaires de ce ministère ont également été appelés à prendre part au rassemblement près du bâtiment du gouvernement.
Non seulement on n’a pas le droit de forcer les travailleurs de participer à des rassemblements quand ils sont en congé, mais les travailleurs ne peuvent pas être forcés de s’exprimer pour soutenir telle ou telle personne, tel ou tel mouvement, etc. En termes plus simples, même si un travailleur a été appelé à un rassemblement de soutien au président sortant et qu’il a accepté de participer par peur d’être licencié, il n’est pas obligé de s’exprimer en faveur du président lors dudit rassemblement. Selon la Constitution, chacun d’entre nous a le droit d’avoir sa propre opinion.
Les invités au rassemblement parlent de risques de provocation
Certaines des personnes invitées au rassemblement pour Alexandre Loukachenko craignent les provocations. Nous avons reçu plusieurs dizaines de messages de ce type. Ainsi, un des médecins a rapporté qu’elle avait reçu un message par le biais de “Viber” selon lequel « l’administration du district de Partisanski invite à des rassemblements en faveur de M. Loukachenko demain sur la place près du Comité exécutif de la ville de Minsk. Nous garantissons un jour de congé à votre convenance ».
« Ca commence à chauffer … Il me semble qu’on essaie de provoquer une confrontation entre deux groupes et des émeutes et violences entre civils pour justifier la répression qui s’en suit », pense le médecin.
« Il est possible que le gouvernement veuille opposer son rassemblement de demain (pour lequel on a reçu l’ordre de trouver environ 5 000 personnes) contre une colonne de manifestants pacifiques », avance un participant au rassemblement.
L’un de nos lecteurs pose la question: « Que se passerait-il si le gouvernement organisait une provocation lors de son rassemblement contre son propre peuple ? Il accuserait l’opposition et la prochaine étape consisterait à faire appel aux troupes russes ? »